Textes et photos de Karin Moehler et Herizo H. Randrianandrasana.
Jean Christophe Soaray vient d’Ankilibory, un village de pêcheurs dans la région de Toliara situé à 4 kilomètres de la mer. Il a environ 42 ans et est père de six enfants, âgés entre 2 et 20 ans.
Pêcheur depuis toujours, il entretient une relation particulière avec le milieu marin. Au fil de ses plongées avec masques et tubas sur les mêmes récifs, il a commencé à remarquer leur dégradation. Il a observé que le passage des cyclones, qui devenaient de plus en plus intenses chaque année, a fortement contribué à la destruction des coraux.
Les récifs ont progressivement diminué dans de nombreuses zones côtières d’Ankilibory. Et les activités des pêcheurs locaux n’aident pas à améliorer la condition des récifs. La détérioration des coraux s’est reflétée dans la diminution des quantités de poissons et mollusques, et donc des revenus moindres. En 2012, Jean Christophe en a eu assez. Il a décidé de prendre les choses en main.
L’association ‘Coeurs Unis’
Il a fondé l’association Fo Miray qui signifie « cœurs unis » en Malagasy, qui a pour but la protection de la mer, des récifs coralliens et qui vise à assurer une pêcherie durable pour le village. Le groupe voulait fonctionner de manière entièrement autonome, sans aucune aide extérieure, en impliquant tout le village.
Ils sont grandement appuyés par la communauté. 95% des foyers d’Ankilibory donnent 500 Ariary par mois de budget de fonctionnement à l’association, qui valorise toujours chaque opinion selon le principe du fihavanana (collaboration, entente et entraide). Jean Christophe sait que l’appui de la communauté est critique pour leur réussite, et il est important pour lui de responsabiliser tous les habitants. Comme il le dit, « Marchons ensemble, éprouvons ensemble, imaginons ensemble et nous progresserons ensemble. »
Les réalisations de l’association
L’une des premières réalisations de l’association fut de créer une route de 4km reliant le village à la mer, rendant la côte plus accessible. « Fo Miray » a également contribué à acheter de meilleurs équipements aux les pêcheurs locaux pour éviter de nuire à l’environnement marin, plus particulièrement aux récifs coralliens.
L’association a instauré des amendes entre 10 000 et 100 000 ariary pour sanctionner les personnes qui enfreignent les dina ; règles et conventions mises en place par le ministère de la pêche et qui servent à protéger la mer et les espèces marines. Par exemple, à travers l’utilisation du Dina, ils ont établi une période d’interdiction de la pêche des poulpes, entre le 17 décembre et le 1er février, qui correspond à la période de reproduction. Les sommes collectées des amendes servent à acheter du matériel de pêche et à aider la population pendant les périodes moins favorables de la sécheresse et les marées hautes lorsqu’il est difficile de pratiquer l’agriculture ou la pêche. Durant ces périodes, l’association distribue cinq kapoaka (*boîte de conserve – trois kapoaka et demi correspond à un kilo) de riz à chaque ménage afin de les aider et pour les motiver à s’impliquer davantage dans la protection des ressources marines.
Le devoir de protéger les récifs
En tant que père de famille, Jean Christophe est convaincu qu’il a le devoir de protéger l’environnement marin, étant donné que la pêche est une des principales sources de revenus à Ankilibory :
« Imaginez votre maison ou votre propre terre détruite et que vous n’aviez nul part à aller. Eh bien pour les poissons c’est totalement pareil ! C’est pour cela que je veux amener les villageois à rejoindre cette cause qui nous concerne tous. »