En février 2016, WWF et ses partenaires ont diffusé quelques 2800 foyers économes (fatana mitsitsy) dans la ville d’Ambilobe, au cœur d’une industrie sucrière assez dépendante du charbon. 3 000 fatana mitsitsy seront encore distribués au cours de cette année 2016 à Ambilobe et ses environs, avec l’objectif de juguler la surconsommation de charbon, elle-même à l’origine du déclin des forêts de mangroves.
Les forêts de mangroves transformées en charbon
Ambilobe, commune située dans le nord de Madagascar au cœur de la Diana, consomme chaque année 5 235 tonnes de charbons issus des forêts naturelles, des plantations et des forêts de mangroves qui bordent cette zone. L’industrie sucrière, implantée à quelques kilomètres de cette ville consomme pour sa part 2 194 tonnes de charbon, ceux-ci produits exclusivement des forêts de mangroves environnantes. A l’image des millions de foyers malgaches, les habitants d’Ambilobe et des environs sont ainsi fortement dépendants du charbon de bois comme source d’énergie domestique.
Les forêts de mangroves souffrent de cette surconsommation. Rina Andrianarivony, (Expert en bois énergie) de WWF explique : « Presque toutes les espèces ligneuses des forêts de mangroves, qui sont localisées dans les petites communes littorales du district sont utilisées pour la production de charbon. Dans certains fokontany, la production de charbon issu des mangroves reste encore faible tant que les producteurs utilisent principalement des espèces de forêts naturelles. Mais certaines communes comme Antsohimbondrona et Ambodibonara sont capables de produire près de 2 500 tonnes de charbon par an et approvisionner entièrement l’industrie sucrière d’Ambilobe ».
Une menace sur la pêche
D’après les études menées sur la production locale de charbon de bois, la dégradation des mangroves a des impacts écologiques mais aussi économiques sur les habitants de la Baie d’Ambaro, où sont circonscrites l’essentiel des forêts de mangroves. En effet, les mangroves en tant que zone de nourricerie, sont des habitats naturels d’espèces halieutiques qui nourrissent la pêche artisanale. La destruction de cet écosystème signifie la mort annoncée d’un secteur qui fait vivre 95% des populations du littoral.
Abdallah est l’un de ces pêcheurs qui, depuis toujours, vivent des poissons et crustacés des forêts de mangroves. Son village, Ankazomborona, est justement situé dans la commune de Beramanja, qui est une principale source d’approvisionnement en charbon d’Ambilobe. « Les forêts de mangroves où on pêche nos crabes et nos poissons sont décimées, transformées en charbon. Chaque mois, la pêche est de moins en moins rentable car les mangroves qui abritaient ces poissons disparaissent. Depuis quelques temps, j’ai commencé à penser à me réinvestir dans une autre activité pour faire vivre ma famille. Mais je suis pêcheur, mon village est pêcheur : nous vivons de la pêche depuis toujours », se plaint Abdallah.
Un écosystème particulier
La décision de vulgariser les fatana mitsitsy répond ainsi à un impératif de sauvegarde de cet écosystème particulier que sont les mangroves. Les mangroves se situent entre terre et mer : cet écosystème est une nurserie d’espèces marines, ravitaillant les zones de pêche riveraines. Ces forêts de palétuviers régulent les crues, créant naturellement un équilibre pendant les marées. « Sachant que chaque foyer économe utilisé à bon escient épargne chaque année la transformation de 0,175 ha de forêts en charbon, l’usage des fatana mitsitsy d’une manière généralisée aidera à la survie d’un écosystème précieux pour l’environnement et l’économie locale », souligne Riana Randrianarivony, de WWF.
Accompagner l’initiative des foyers économes (fatana mitsitsy)
Cette diffusion de fatana mitsitsy est ainsi une étape importante à la sauvegarde des mangroves et de l’activité de pêche des villages riverains. Mais l’initiative de diffuser ces 3 000 fatana mitsitsy serait approximative sans un accompagnement, notamment le reboisement (de mangroves et de bois à vocation énergétique) et la régulation de la filière de charbon. Le reboisement de mangrove a déjà commencé dans plusieurs localités, dont le village d’Ankazomborona où vivent Abdallah et sa famille (http://goo.gl/xfypSC) et l’organisation de la filière charbonnière ne tardera plus.