Le WWF et Barefoot College ont lancé, en 2013, la première expérience de formation des Femmes Techniciennes Solaires malgaches qui se déroule pendant six mois, au centre de Tilonia, Inde. Sept femmes, originaires d’Iavomanitra, dans l’Amoron’Imania et Tsaratànana, dans l’Atsimo Atsinana, ont été sélectionnées pour participer à une formation sur les techniques d’installation, de branchement et d’entretiens d’équipements solaires. L’objectif est d’assurer un éclairage solaire dans les cases et de donner aux familles la possibilité d’avoir un éclairage efficace à travers une source d’énergie propre et renouvelable. En mars 2016, quatre nouvelles participantes originaires d’Andranomilolo dans les Hautes Terres du Nord viennent de rejoindre Tilonia, Inde pour participer à la formation. Voahirana Randriambola, Senior Officer, Extractive Industries & Energy Access du WWF Madagascar explique les enjeux de ce programme.
Quel bilan portez-vous sur la première expérience de l’approche Femmes techniciennes solaires à Madagascar ?
C’est un bilan positif, autant pour les femmes qui ont participé que pour leurs villages. Au tout début, l’appréhension était toujours présente parce que le programme est tout de même inédit à Madagascar. On comprend aisément l’inquiétude de ces femmes qui quittent leurs villages pour partir vers un pays lointain et laisser leurs familles derrière elles, tout comme la crainte de leurs proches. Au final, le séjour de formation s’est bien passé et a été épanouissant. Au retour sur Madagascar, les sept femmes participantes ont pu brancher environ 400 ménages des villages d’Iavomanitra et de Tsaratànana dont elles sont originaires. Au-delà de cette adoption de l’énergie solaire au quotidien, il y a eu un véritable changement : les femmes sont plus actives, elles ont des activités génératrices de revenus et certaines sont même retournées à l’école. Ecologiquement, économiquement et humainement, cette première expérience a été bénéfique. C’est fort de ce constat que nous avons décidé de lancer la seconde promotion de techniciennes, cette fois-ci originaire d’Andranomilolo, dans le paysage des Hautes Terres du Nord.
Pourquoi concentrer la formation sur les femmes uniquement ?
Les femmes âgées de 40 à 60 ans issues de milieux modestes, ayant peu ou pas de références scolaires et n’exerçant aucune responsabilité importante dans la vie communautaire, pour être plus précis. Tout d’abord, c’est une condition du Barefoot College mais elle prend beaucoup de sens. L’idée est de former des personnes qui, une fois formées, restent dans leurs villages et ne demandent pas à chercher du travail ailleurs mais font fructifier leurs savoirs dans leurs communautés. Les femmes, et les grands-mères particulièrement, ont cette habitude. Ensuite, la formation a été pensée pour que les plus modestes et les personnes illettrées puissent l’assimiler et l’appliquer : le système permet d’intégrer les personnes qui, généralement, sont mises sur le ban de la société. Mieux, elles deviennent des leviers de dynamisme autour d’elles.
Qu’est-ce qui motive le choix d’adopter cette démarche du Barefoot College plutôt qu’une autre?
C’est avant tout un choix dicté par les réalités du terrain. Il est impossible d’approvisionner tous les villages de Madagascar en électricité, vu les moyens à disposition et surtout l’éloignement et l’enclavement de ces villages. L’approche Barefoot College donne l’opportunité de transférer le savoir sans la contrainte d’engager de gros travaux onéreux et inadaptés. Ensuite, l’expérience internationale du Barefoot College nous prouve qu’en formant ces femmes issues des milieux les plus modestes, le retour est particulièrement efficace. Elles deviennent de véritables forces motrices pour leurs pairs qui comprennent la nécessité d’adopter un certain mode de vie, plus en relation avec leurs ressources locales. A ce jour, les femmes formées par Barefoot College dans le monde ont démontré l’efficacité de ce système, à l’instar des femmes Malgaches qui ont relevé ce défi. Les trois villages, qui sont à ce jour impliqués dans l’approche Barefoot College à Madagascar, sont situés à une moyenne de deux jours de marches des chefs-lieux de districts, accessibles uniquement à pieds.
Dans la réalisation de ce programme d’approvisionnement en énergie solaire, quel est l’apport des communautés et quel est celui de WWF ?
Chaque village d’où les femmes sont originaires est impliqué dès la genèse du projet. L’adhésion à la démarche est volontaire. Sans cette adhésion volontaire, nous ne pouvons avancer dans la réalisation du projet. Donc, nous venons leur expliquer le principe du projet, les avantages, les étapes etc… Cela se passe pendant des réunions villageoises et publiques, où chacun a droit de poser toutes les questions et nous leur répondons. Lorsque la communauté est d’accord pour participer au projet, on procède à la sélection. Elle est publique également, la communauté doit être présente et donner son aval à la candidature des femmes. Puis, lorsque les participantes sont sélectionnées, elles reçoivent la bénédiction de leurs communautés, étape traditionnelle à laquelle nous tenons particulièrement. Puis, pendant la formation de six mois des femmes, l’association s’engage à construire l’atelier solaire qui servira de lieu de travail aux futures techniciennes. Puis, le comité solaire encadre les bénéficiaires afin que les cotisations soient honorées régulièrement et le règlement des usagers, respecté. Ainsi, à toutes les étapes, l’association communautaire, le comité solaire et le village sont impliqués dans la réalisation du projet. Une adhésion qui est aussi une des clés de la réussite de l’approche de Barefoot College.
Quelles sont les prochaines étapes pour décliner cette approche en un programme national ?
D’abord, notre objectif est d’impliquer nos paysages afin que chaque paysage ait au moins une promotion de femmes formées par Barefoot College. Ces femmes créeront le réseau des formatrices de Madagascar, appuyées par Barefoot College, afin de dupliquer le mécanisme de formation dans les villages de Madagascar. L’envergure du défi et son importance nécessitent des partenariats à divers niveaux, dont l’Etat à travers le ministère de tutelle. L’idée est de créer à Madagascar des centres pilotes de formation de futures femmes techniciennes solaires.
Comment s’évalue l’impact de ce projet sur la conservation de l’environnement ?
Les trois villages d’Andranomilolo, de Iavomanitra et de Tsaratànana sont implantés dans des zones de conservation : les Hautes Terres du Nord et le corridor forestier Fandriana Vondrozo. Les villageois, comme dans tous les villages malgaches, dépendent beaucoup des ressources forestières dans leurs vies quotidiennes. L’approche permet déjà d’associer un besoin quotidien de s’éclairer efficacement, avec l’usage d’une ressource propre et renouvelable : l’énergie solaire. A partir de là, on met en place des initiatives de production et des activités génératrices de revenus avec un principe d’harmonie entre l’impératif de se développer et le respect de l’environnement.